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partage cérébral
6 juillet 2008

Les règles et les hiérarchies

138. Cette conscience collective, « conscience courte », se construit dans le groupe, et elle construit le groupe, les deux termes évoluant en symbiose au fil des évènements. Elle obéit à tellement de règles constitutives qu’elle peut être, littéralement, n’importe quoi (l’histoire nous l’a assez enseigné), pourvu qu’à court terme, quelques heures, quelques jours, quelques années, elle permette le confortement des  hiérarchies humaines en place : en effet, quand la règle change, la hiérarchie change et c’est une révolution. Prenons un exemple amusant : admettons, hypothèse d’école, qu’une règle change  dans le grand groupe social où nous nous trouvons en 2008, et que soit  donnée soudain de l’importance  à l’individu-animal (c’est absurde), ou que soit donnée de l’importance à ce qu’il reste de la forêt équatoriale (c’est complètement absurde), ou qu’il soit décidé que l’homme n’a pas à produire, en contrepartie d’un confort consumériste, des produits qui tueront au hasard et en masse pendant 3 millions d’années (c’est encore absurde)… Mais si cela arrivait, toutes ces énormes sociétés humaines agrégées en sociétés multinationales et accessoirement  en états, perdraient leur cohérence de court terme, la raison de leur agrégation : d’autres se créeraient aussitôt, de tailles minuscules, et… La suite ne serait pas absurde, elle serait ce qu’elle serait, dans son imprévisibilité.  Qui voudrait tenter de la raconter?

139. L’argument vrai : excellence humaine ?

Comment un groupe social, par l’intermédiaire de sa hiérarchie, peut-il décider d’infléchir la règle qui le régit ? Parce qu’il y est obligé à cause de circonstances extérieures (un tremblement de terre, un changement de climat, une pollution, une épidémie) ;  soit à cause d’un rapport de forces externe (invasion militaire ou économique par un autre groupe humain,  ou contrainte diplomatique  avec l’invasion ou l’étranglement économique comme menace) ;  soit le rapport de forces interne  a changé (manifestations, rébellions, grèves, barricades, revendications) . Dans tous ces contextes, les discours de toutes les parties (remarquablement différents) ont un point commun : ils sont empreints de stratégie. Ils reflètent une réalité « tribale » en ce sens qu’ils représentent (souvent avec sincérité) un groupe de pression. Dans cette situation nouvelle et difficile, l’argument vrai se confond avec l’argument utile. L’argument vrai, c’est celui qui fait gagner la partie à celui qui l’utilise. Toute autre considération est secondaire : dans la relation humaine, le « vrai » a un sens tribal. Tous les avocats vous le diront en privé, et aucun homme politique ni aucun chef de grande entreprise, car ceux-là sont toujours en représentation et l’idée d’une expression « sincère » ne leur convient que si elle contient des « bons » arguments, c'est-à-dire qui les confortent dans leur position économique et sociale. Au contraire, les « mauvais » arguments sont ceux qui contiennent une menace pour eux-mêmes. Evidemment, dans ces conditions, on travaille sur le court terme  avec une conscience courte. C’est gênant pour la grande réputation d’excellence de « La Démocratie », vous ne pensez pas ? Et de l’excellence humaine ?

140. L’indépendance économique individuelle.

Il apparaît bien qu’une conscience élargie, porteuse d’élévation d’esprit par exemple ou porteuse de la simple prise en compte du « temps long », ne peut surgir que chez l’individu qui en aurait le loisir, c'est-à-dire qui ne serait pas trop esclave économiquement.  Elle ne viendra jamais du groupe lui-même, ni de ses hiérarques, ni évidemment de leurs intellectuels appointés qui luttent tous les jours, comme les autres, pour être au top niveau de la reconnaissance sociale.

141. Profil d’un intellectuel.

Moi, je suis un intellectuel appointé. C'est-à-dire que je vends mon savoir et ma capacité de recherche au plus offrant en échange d’un salaire, de primes, et d’une  reconnaissance sociale les plus élevés possibles, c'est-à-dire qu’au bout du compte j’obtiendrai peut-être une chronique dans un grand média. Pour cela j’ai appris le discours tribal, qui me valorise par une judicieuse présentation de l’argument  que j’expose avec autorité. C’est de la science, c’est du solide dans notre civilisation et dans beaucoup de nos cultures.  Par ma bouche elle devient vraie. Devant un interlocuteur puissant,  J’utilise « l’opposition constructive et critique » : ainsi il voit mes quenottes et a tout le loisir de considérer le grand intérêt pour lui de finalement m’embaucher, pour que je lui serve de faire-valoir. Que mon discours tribal-intellectuel évolue de 180 degrés la semaine prochaine, puisque j’ai changé d’employeur, cela n’a pas d’importance de fond. Je sais déjà quelles autres études scientifiques je pourrai faire-valoir : ma conscience est à l’abri, et mon très cher corps d’homo-sapiens est  habillé de soie. Mes confrères ? Qui s’inquièterait d’une dispute de spécialistes ? Mon plan est parfait.

Vous me connaissez tous, en sciences si vous êtes scientifiques, en procédés de fabrication si vous êtes dans une industrie, en religion si vous êtes acteurs de religions, en politique si vous êtes des scientifiques-politologues, en ministre et en conseiller si vous en  connaissez, en philosophie si vous avez appris les programmes des  philosophies, en économie si vous êtes économiste, en …

142. Pensées hors norme : pas de garde fou.

La naissance d’une conscience élargie chez l’individu, cela n’a pas de sens : elle se construit sans sens, forcément, dans toutes les directions puisqu’elle dépasse la conscience collective et n’y trouve donc pas les garde-fous qui évitent l’égarement aux membres du groupe. Comment trouver des références quand on quitte le cocon de l’idéologie sociale ? Là se trouve la véritable invention, qui permette de se garantir de la construction d’une autre idéologie, différente de celle que l’on quitte certes, mais qui risque de se révéler aussi courte ! La différence n’est pas gage de meilleure vérité. Comment faire ? Dans l’article 127 je parlais de modestie, de compréhension, de fierté et de ténacité… Je ne vois pas d’autre fil conducteur. Si ce que je trouve n’est pas modeste, c’est que je cherche à me faire valoir socialement. Si ma pensée manque de compréhension, c’est que je ne tiens pas compte des autres individus vivants. Si je n’ose finalement pas penser (je manque de fierté), c’est que je ne suis pas capable de penser par moi-même : je m’arrête aux garde-fous que me montre ma société. Si j’oublie ce que j’ai commencé, c’est que je suis suffisamment bien dans une pensée dominante que je rejoins en définitive…

143. Le scientisme, l’éthique et le marché.

Le scientisme, plus personne n’y croit. Il s’agit d’une doctrine qui s’est implantée au 19ème siècle, quand l’idéologie dominante a assimilé la découverte scientifique à une application utile à l’homme (entendez, l’occidental masculin). On sait aujourd’hui que toute découverte scientifique génère des applications qui peuvent être « positives » au moins dans l’immédiateté d’un siècle, et d’autres « négatives ». Le choix d’une application selon l’un des deux termes, positif ou négatif, dépend d’un seul facteur : le marché (le marché est la seule culture mondiale). En effet « l’éthique », sorte d’ectoplasme de consistance aussi diverse qu’il y a de cultures différentes dans notre civilisation, est un produit idéologique à l’usage de nos penseurs appointés. Elle alimente la palabre mais ne compte pour rien dans les décisions économiques finales, qui sont fonction du seul marché. Le marché, évidemment, fonctionne sur le temps court, et une conscience étroitement spécialisée en une certaine finance et en une certaine analyse macroéconomique. La « réussite humaine » se confond avec la réussite commerciale de « produits ». Cela concerne à priori l’atome, la biologie humaine, animale et végétale, la chimie militaire et civile, l’électronique et ses applications dans la traçabilité individuelle et idéologique, l’aéronautique, l’armement classique, les transports etc. Vous auriez des idées à échanger sur la question ?

144. Collusion hiérarchique.

La technologie, science appliquée, est vantée chaque jour par les responsables de l’organisation des sociétés, c'est-à-dire les politiques et leurs commanditaires multinationaux. Les uns comme les autres ont la conscience de leurs intérêts immédiats : parlez-leur d’une échelle de temps qui dépasse leur mandat, ou qui dépasse le temps commercial d’un produit et sa corrélation avec le versement escompté de dividendes aux actionnaires, et ils se sentent menacés. Alors ils utiliseront toutes les armes de leur position dominante pour vous abattre, vous les millions d’individus qui voient leurs ficelles : silence médiatique ou pire, coups médiatiques tous azimut le temps d’orchestrer une bonne polémique (que l’on appelle pluralisme), et plus personne n’est capable de se structurer la moindre idée sur une question.  L’instabilité économique individuelle, (« la flexibilité ») c’est un excellent moyen aussi de castrer intellectuellement les populations : on n’a plus  cinq minutes dans la journée pour réfléchir à autre chose que sa spécialité, il faut agir, avec obligation biologique d’utiliser le temps libre pour « se distraire », sinon on ne tient pas le coup. Vous êtes bien au courant, vous le vivez tous les jours.  Quand à ceux qui n’ont pas envie, ou pas la capacité mentale (innée ou acquise) de voir les ficelles, s’ils ont un capital ils ont tout le loisir de se tailler une place dans les circuits commerciaux et d’assurer leur trois fonctions vitales agrémentées d’une parade sociale à laquelle ils ne renonceraient jamais : c’est le sens de la vie en conscience courte… Mais peut-être que c’est le bonheur ?

145. Quitter le corps ?

Il existe chez l’individu le germe d’une conscience ineffable, qui ne serait pas dû à un manque d’assouvissement d’une de ses fonctions primordiales d’être vivant.  Il doit être possible de le trouver et d’échanger parfois le cheminement de cette recherche. Pour cela, force est dans un premier temps de procéder par élimination, en descendant avec attention l’homme de son piédestal. Procéder par élimination, ce n’est pas condamner, car dans ce cas la démarche consisterait à créer un groupe de « bons penseurs », une nouvelle tribu, ce qui rejoint le mode de fonctionnement instinctif de l’homme agrégé en sociétés. La pensée individuelle désintéressée est donc nécessaire, et son  partage ne peut se faire que par paliers en évitant la palabre, car celle-ci est un rapport de forces dont l’histoire est remplie. Quitter le rapport de forces, c’est quitter le corps, quitter les corps agrégés en sociétés et leurs ciments d’organisation: dématérialiser l’idée d’une application matérielle tournée vers l’utile. Cela ne « sert » donc à rien, c’est inutile. Voilà le premier palier. Quitter l’utile, quitter l’utilitaire. Cela existe déjà, c’est le sens d’une partie de la recherche scientifique fondamentale, d’une partie de la recherche artistique, d’une partie de la recherche philosophique. Séparer la connaissance, l’idée et la création d’une quelconque application… Ce n’est évidemment pas dans les mœurs et requiert pour l’individu beaucoup de vigilance, une faculté aussi de s’extraire des cultures qui correspondent  à son groupe social. Peut-être la liberté de l’homme se trouve-t-elle là, chez l’individu ? Vous pensez que c’est possible ?

146. L’absurde est une sensation.

La vision de l’absurde est un déclencheur. Par exemple, un adolescent songe à la mort comme le font les adolescents. Il s’amuse incroyablement avec une moto. Les sensations les plus fortes naissent en accélérant à fond en virage, en doublant là où il y a juste assez d’espace entre deux voitures qui se croisent. C’est limite, c’est grandiose. Et s’il survit jusqu’à la vieillesse, il s’en rappellera encore avec nostalgie sur son lit de mort. Ayant connu cette sensation  il se demande à quoi bon chercher à remplir sa vie en attendant la mort. Mais quelqu’un l’a vu et lui parle : aussitôt il détecte l’intérêt par le jugement. Il s’entend dire qu’il est con d’être comme il est, il est fou. Sous entendu, l’autre se trouve bien mieux car plus raisonnable : il ne s’aperçoit  même pas que s’il abaisse l’adolescent en question, c’est pour s’élever, lui,  au moins dans sa propre estime.  Il fait partie des gens biens. Rentré chez lui, l’adolescent voit ses parents. Ils sont inquiets car leur enfant représente leur immortalité. Ils ne le formulent pas comme cela, l’adolescent non plus, mais ce qu’il  sait, c’est qu’il refuse d’être la continuation de son père qu’il connait trop bien, et de sa mère, dont il pense avoir fait le tour. Cette vie là ? Jamais. Elle n’a pas de sens. Il voudrait trouver autre chose, entre deux sensations… Sa cérébralité est un chaos, où peut-être il entrevoit l’absurde… Que peut-il arriver alors ?

147. Du chaos nait l’idée ?

La trouvaille ne vient pas d’une réflexion structurée : elle vient du chaos, par intuition. (Mais bon sang, et si c’était…)  Après, évidemment, il est nécessaire de la comparer à ce que l’on voit, ce que l’on entend, lit, et reçoit des autres êtres vivants et de la constitution de la matière. Alors, s’il en reste quelque chose, il est possible de poursuivre. En fait, la découverte de cette « conscience courte » chez soi et chez les autres vivants, conduit à une marginalité sociale. Mais elle supprime aussi  l’inquiétude qui se situe aux marges cette  conscience.  Un chemin cérébral se trace peu à peu en même temps que surgit comme malgré soi une sensation d’apaisement. Par intuition aussi,  c’est elle, si elle perdure, qui montre que cette recherche n’est pas un égarement.

Fin de ce carnet.

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